Ce qu’ils ne veulent pas entendre

Publié le 03 juin 2016 par Crankyju @Ju_loury

Bonjour-bonjour,

Je n’ai pas envie d’écrire cet article et, en même temps, j’en ai marre de me taire à chaque fois. Encore un article sur ça. Et j’aime le côté minimisateur du « ça ». Du harcèlement de rue, puisqu’il est important de dire les mots. Quand je dis qu’ils ne veulent pas entendre, j’aurais pu dire « on » parce que moi non plus je ne veux pas entendre. Je ne veux plus, j’ai tellement les larmes aux yeux quand je lis les expériences toutes diverses et horribles que vivent les femmes dans la vie de tous les jours. Comme celle de Diglee, par exemple. Je ne veux pas entendre ça, j’aimerais tellement vivre dans un monde normal. Bref, ça me saoule, alors je vais ajouter ma pierre à l’édifice, parce que les derniers articles que j’ai lu sur le harcèlement de rue m’ont convaincu que c’était important que chacune apporte son témoignage. Je vais donc parler de mes quelques mésaventures. Mésaventures parce que ça pourrait être tellement pire mais que ça ne va pas. Ca ne va pas du tout que 100% des femmes subissent ce genre de choses ou pire.

Source : Colère : Nom féminin, cliquez sur l’image :)

J’étais à un arrêt de bus au centre-ville de Tours, près de la gare. J’étais fatiguée, je m’étais promenée toute la journée donc j’étais assise sur le banc. Un mec s’assoit à côté de moi. Super. Pas super. Il est plus vieux que moi, 35-40 ans. Il me parle, me raconte sa life. Je ne lui réponds pas, j’attends mon bus. Un bus s’arrête, ce n’est pas le mien par contre, le mec regarde le bus. Je le vois bien du coin de l’oeil. Il regarde le bus, me regarde et continue de raconter sa vie. Il me pose des questions, je ne réponds pas ou à demi-mots parce que j’ai envie qu’il me foute la paix. Son bus repart. Il se fait insistant « allez sois sympa, j’ai raté mon bus pour toi ». Je panique intérieurement « fous-moi la paix, je t’ai rien demandé ». Mais ma bouche n’articule pas c’est bizarre. Mon bus arrive, ça va mieux. Je monte dedans, il ne me suit pas, ça va mieux.

Je suis à Saint-Pierre-des-Corps, je fais mes courses à l’hypermarché, normal. Comme chaque fois que je fais mes courses, je parcours les rayons dans l’ordre. Je repère un mec. Puis je me rends que j’ai oublié des trucs donc je repars dans l’autre sens. Et ce mec je le recroise. Mais bon, je reste concentrée, en plus j’ai ma liste et je veux tout trouver. Mais il est là souvent ce mec. J’ai l’impression qu’il me suit. Mais c’est ridicule, je dois me faire des idées. Puis je ne trouve pas ce foutu bicarbonate de soude. Et il est encore là ce mec. Cette fois il vient me voir « je viens d’arriver dans le coin tatati tatata, je cherche à me faire des amis gna gna GNA, tu veux pas me filer ton numéro ? ». Je l’écoute en réfléchissant au bicarbonate de soude et lui réponds non pour le numéro. « Ouais mais s’il te plaît j’ai pas d’amis ici et je t’ai suivi dans le magasin ». Je pense dans ma tête « C’est très flippant ». Ma bouche dit « Non non je veux pas donner mon numéro » et je m’en vais pour trouver le bicarbonate de soude (on se rassure avec ce qu’on peut, si je trouve le bicarbonate je suis sauvée). Et le mec me suit encore, mais vraiment dans mon dos cette fois-ci. Un peu flippée mais toujours focalisée sur mon histoire, je me dirige vers un membre du personnel de l’hypermarché. Il le voit, il file. Et la dame de Carrefour me trouve le bicarbonate de soude. Les courses sont finies, je repars chez moi.

En repassant cette scène dans ma tête, j’essaie de me rappeler si je portais une de mes jolies robes que j’adore ou un vieux fut’ fluide avec un vieux débardeur dont j’ai le secret en été. MAIS QU’EST-CE QU’ON S’EN FICHE ? Putain de vieux préjugés qui restent.

J’ai l’impression d’être hors-sujet avec mes deux histoires. Je ne me fais pas insulter ni tripoter au quotidien, donc je m’estime limite chanceuse. Mais c’est à cause de ces pauvres mecs que je suis constamment sur la défensive quand je sors seule et que je m’imagine un cercle de sécurité. Ca m’écoeure ces mecs à qui l’on devrait quelque choses. Dans leur tête. Vous êtes des malades. Dans aucune vie ça se fait de suivre quelqu’un, de le coller. CA NE PLAIT PAS.

Je ne me rappelle pas vraiment avoir déjà été insultée. Moi souvent, ce qui me donne la gerbe, c’est les regards insistants, les mecs qui bloquent, qui se retournent. J’ai des gros seins et je vous emmerde. J’aime les décolletés et je vous emmerde. Vos regards qui déshabillent, je leur vomis dessus. Y’a pas de pulsions qui soit. Ce n’est pas ça être un homme.

Je me demandais si mes histoires valaient la peine d’être racontées, ça fait trois semaines qu’il est écrit cet article. Puis j’ai lu cet article des Inrocks qui met un peu les choses au point, donc voilà. Faut se battre pour être une femme aujourd’hui. C’est pour cela que j’ai écrit ces mots. Parce que ça va mieux en le disant. Parce que ça nous arrive à toutes et qu’il faut qu’ils l’entendent. Et parce que ça ira mieux tout court un jour, hein ? Bien sûr. J’espère que vous allez bien tous <3

Sioux <3